Amnesia (Sloane)

Le soleil se dessinait à peine à l’horizon. Seuls quelques de ses fins rayons perçaient dans le bois où la demeure de la jeune femme se trouvait, et entraient par la fenêtre brisée de la porte. Ainsi, elle fut réveillée en les sentant chatouiller les paupières.

Aënaelle s’assit sur sa maigre paillasse et s’étira, ne se gênant pas pour décocher un grand bâillement. Après tout, elle était seule ; inutile donc d’observer chaque petite règle de politesse.

Après être arrivée ici et avoir tout recommencé de zéro, elle avait bâti sa petite maison, bien camouflée parmi la dense végétation de la forêt. Malgré qu’elle aime avoir des gens autour d’elle – d’ailleurs, elle n’était pas bien loin des principaux regroupements de population, mais n’y allait que si elle sentait que ces horribles visions allaient revenir -, parfois, elle se retrouvait à avoir besoin d’un peu de tranquillité. Et son chez-soi lui procurait tout ce dont elle avait besoin ; à proximité d’eau et de ressources dont elle pouvait avoir besoin, la banshee pouvait pratiquement se débrouiller seule.

Après un rapide repas – composé de quelques fruits trouvés çà et là dans la forêt -, elle sortit de chez elle. Vêtue de son vêtement de nuit, elle n’eut qu’à faire quelques centaines de pas pour rejoindre le cours d’eau, certes petit, mais réchauffé par les rayons du soleil qui serpentait non loin de chez elle. Elle transportait les vêtements choisis pour la journée, confectionnés main par nul autre qu’elle-même. Ainsi, rapidement, la brunette se débarrassa de ce dont elle était vêtue pour se jeter d’un plongeon dans la rivière, un frisson la parcourant face à l’eau quasi glaciale. Le soleil ne pointait pas encore totalement, et presque immédiatement, elle regretta sa décision de sortir si tôt. Avec un peu de chance, peut-être n’attraperait-elle pas de rhume, cette fois.
Ses cheveux, désormais trempés, encadraient son visage. Enfoncée dans l’eau jusqu’à la poitrine, elle pataugeait lentement, perdue dans ses pensées. Enfin, elle regagna le bord du cours d’eau pour attraper un petit linge apporté, avec lequel elle s’essuya rapidement le visage. Son geste fut stoppé, le bout de tissu dans les mains et désormais couverte simplement à partir du nombril par l’eau, lorsqu’elle crut voir quelque chose passer non loin. Ses yeux scrutèrent les alentours à la recherche de l’indice qui pourrait lui indiquer qui était là, ou si tout cela n’était qu’une machination de son imagination un peu trop fertile.

Amnesia

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Traverser l'océan avait été plus long mais aussi beaucoup plus amusant que Sloane aurait pu l'imaginer. Sentir le vent marin contre ses ailes larges ainsi que le sel contre son bec lui faisait oublier qu'elle avait faim. Elle avait plongé à maintes reprises dans l'eau afin de se rafraîchir, mais aussi pour sauter avec les rares animaux qui prenaient le même chemin qu'elle. Leurs prouesses aériennes avaient été un régal à observer. Ce voyage avait donc été fort différent et bien plus divertissant que les autres qu'elle avait faits.

Cependant, il y avait toujours une ombre sur le tableau, et lorsqu'elle avait atterri sur le continent américain, ses pattes avaient souffert énormément : c'était la première fois qu'elles touchaient le sol depuis quelques semaines. Elle s'était donc écrasée lamentablement à terre. Avec le poids de son corps, le choc avait été puissant, mais elle s'en était rapidement remis. Elle s'était relevée et avait secoué sa tête de gauche à droite, et avait ressenti un grand vide dans son esprit. Tiens, elle ne savait même plus ce qu'elle faisait dans cette forêt. Elle tourna en rond, levant son bec vers le haut. Elle voulait se rappeler, mais plus les secondes passaient et plus elle avait l'impression que sa mémoire disparaissait.

Quelques secondes plus tard, elle était immobile au milieu de la forêt, incapable de se mouvoir sans se poser une question. Même son prénom lui semblait très loin. Elle dût réfléchir longtemps avant de se rappeler comment marcher, et lorsqu'elle y parvint, elle fut envahi d'une faim immense. Elle tenta de ne pas y penser : elle ne savait pas comment chasser, et ça la frustrait d'avantage. Elle continua donc de marcher doucement, espérant se débarrasser de ce sentiment d'oubli qui l'envahissait peu à peu.

La jeune femme avait rapidement enfilé sa robe claire, se couvrant désormais assez pour pouvoir sortir de l’eau sans heurter certaines sensibilités. Elle n’avait pu se confectionner de chaussures et demeurait donc pieds nus la majeure partie du temps. Sous ses pieds, les brins d’herbe s’écrasaient, laissant, dans l’herbe plutôt haute, la trace de son passage. Ce chemin, elle l’avait fait des centaines de fois ; mais lorsqu’elle entendit à nouveau ce bruit, sembla à nouveau voir une silhouette, elle bifurqua, s’aventurant désormais en territoires inconnus. Lorsqu’elle vit la jeune femme, elle s’arrêta subitement. Que faisait-elle là ? Il ne lui semblait pas l’avoir vue dans les environs. Peut-être que sa mémoire lui faisait défaut, ce qui n’était pas rare, mais tout de même…

Quelques pas de plus la menèrent jusqu’à elle. Ses yeux clairs l’observaient de loin, mais finalement, elle se rapprocha.
«Pardonnez-moi… Puis-je vous aider ?» fit-elle doucement, penchant légèrement la tête sur le côté comme elle le faisait souvent lorsqu’elle posait une question. Polie comme toujours, douce, elle ne pouvait qu’inspirer la confiance. Rien en son apparence ne trahissait sa nature, qui lui était toujours peu claire. Tout ce qu’elle savait, c’est que quelque chose en elle clochait.

Enfin, elle offrit un petit sourire à l’inconnue. Inconsciemment, elle jouait avec un petit bout de tissu superflu sur sa robe, chose qu’elle faisait toujours quand elle était nerveuse.

Comme en ce moment.